Le phellin tacheté : un actif décomposeur du bois
Les arbres porteurs de chancres à Phellinus punctatus devront être supprimés à moyen ou long terme en raison de la progression inexorable du champignon.
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1. PORTRAIT DU CHAMPIGNON
Le phellin tacheté (Phellinus punctatus) colonise les arbres feuillus ; platane commun, saule, noisetier commun et robinier faux-acacia fréquemment ; hêtre, arbre de Judée, chêne, frêne et peuplier blanc plus occasionnellement.
Répartition géographique : il se rencontre en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Il est plus répandu dans les régions de la moitié sud de la France et il reste pratiquement absent des pays d'Europe du Nord.
Description de la fructification : le basidiome, résupiné (*) et pérenne, forme une croûte coriace, plate à pulvinée (**), fortement adhérente à l'écorce. Rond à ovalaire avec un diamètre de 10 à 35 centimètres, il ne développe pas de chapeau. L'épaisseur d'un basidiome ancien peut atteindre 20 à 25 mm. Sur les essences à écorce épaisse, il se développe souvent dans les crevasses et les anfractuosités et reste peu visible pour les observateurs. Parfois, plusieurs « taches » de taille très variable apparaissent les unes à côté des autres. Au début jaunâtre à orangé, l'hyménophore s'assombrit peu à peu, puis prend une teinte brun cannelle à tabac. En vieillissant, la fructification se borde d'une marge blanc grisâtre dépourvue de pores et devient légèrement proéminente. Les pores, arrondis à allongés, sont de petite taille : de 4 à 6 mm.
Le corps fructifère persiste de nombreuses années en superposant de fines couches de tubes de couleur brun rouille. Sur le platane, les vieilles fructifications se fissurent souvent en polyèdres à la manière des écorces. La sporée est blanche.
Confusions possibles : la fructification du phellin tacheté peut être confondue avec celle d'autres espèces de phellins. C'est le cas de jeunes fructifications du phellin des arbres fruitiers (Phellinus tuberculosus) sur de vieux Prunus. Sur le bouleau, les fructifications de Phellinus laevigatus ne peuvent être distinguées de celles de P. punctatus que par des observations microscopiques. De récentes analyses moléculaires réalisées sur platane, noisetier et cep de vigne ont permis d'identifier une autre espèce de champignon lignivore responsable de chancres pérennants et de pourriture du bois : Fomitiporia mediterranea. Il est morphologiquement identique à Phellinus punctatus et seules des analyses poussées parviennent à les différencier. Faute de critères déterminants, il est prudent aujourd'hui d'évoquer pour ces champignons un complexe d'espèces du type « phellin tacheté ».
Période de fructification : les jeunes fructifications du phellin tacheté apparaissent en juillet. Les croûtes de couleur tabac, avec une marge plus claire, persistent toute l'année sur les arbres.
2. CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES
Le phellin tacheté colonise la partie épigée des arbres. Il s'installe à la faveur d'une plaie importante, et fréquemment de blessures d'élagage. Les anciennes « têtes de chat » constituent des sites d'infection privilégiés. Sous sa dénomination Fomitiporia punctata, il est impliqué dans l'une des « maladies du bois » de la vigne : le syndrome de l'esca. Sur les ceps de vigne, il ne parvient à infecter le bois mis à nu qu'à la suite de l'installation de champignons pionniers, Phaeoacremonium chlamydosporum et P. aleophilum. Une succession microbienne similaire est envisagée sur les arbres d'ornement. Une affection chancreuse sur les agrumes occasionnée par Fomitiporia punctata est également décrite en Grèce et dans le Sud de l'Italie.
Dégradation du bois : le champignon entraîne une pourriture de type blanche fibreuse mais le bois atteint reste relativement sec et conserve une certaine « rigidité ». Son activité ligninolytique est assurée par de puissantscomplexes enzymatiques.
Activité lignivore : le phellin tacheté est réputé très actif, notamment sur le platane. Doté d'un certain pouvoir parasite, il s'attaque au cal de recouvrement mis en place chaque année par l'arbre qu'il détruit systématiquement. Un chancre pérennant en forme de fuseau allongé bordé par des bourrelets successifs desséchés se visualise nettement sur les sujets à écorce fine, tel le platane. Généralement mais pas systématiquement, les fructifications du phellin tacheté se développent dans la partie centrale du chancre. Dans cette zone, la mortalité des tissus vivants ne permet plus à l'écorce de s'exfolier ; elle reste adhérente, devient grisâtre et se fragmente. À l'intérieur, la décomposition du bois est sectorisée. Cette dégradation progresse rapidement et l'altération n'est pas contenue par l'arbre ; la compartimentation est inefficace et la zone de barrage régulièrement contournée.
3. DIAGNOSTIC ET PRÉCONISATIONS
Les fructifications du phellin tacheté sont difficiles à repérer, notamment sur les arbres à écorce épaisse et pérenne. Sur les sujets à écorce fine, le faciès chancreux très caractéristique indique la présence probable du champignon. Sur le robinier ou le saule, c'est une zone légèrement renflée associée à un méplat qui alerte le praticien. Des amas cotonneux blancs accompagnent souvent les fructifications du champignon et attirent l'oeil de l'observateur (tissages par des insectes mycophages). Dans un second temps, les « taches » correspondant aux corps fructifères peuvent être mises en évidence. Le caractère chancreux de l'altération laisse envisager une évolution défavorable. Année après année, les chancres s'étendent et leur rémission paraît impossible. Des ruptures de charpentières ou de troncs infectés, surtout sur des platanes, sont fréquentes. Elles surviennent en général lorsque les chancres sont très étendus (circonférence atteinte supérieure au tiers de la circonférence totale et diamètre de bois altéré d'environ 50 %). L'expansion du chancre n'est pas le seul critère à prendre en compte ; un sondage réalisé à l'aide d'un pénétromètre ou d'un tomographe dans la zone chancreuse est indispensable. Même si les arbres porteurs de chancres à phellin peu étendus sont conservés, ils devront être supprimés à moyen ou long terme en raison de la progression inexorable de l'altération.
Pierre Aversenq
(*) Fructification dépourvue de chapeau en forme de croûte complètement adhérente au substrat. (**) En forme de coussin légèrement bombé.
Jeune chancre pérennant en cours d'extension occasionné par le phellin tacheté sur le tronc d'un Platanus x acerifolia. PIERRE AVERSENQ
Pourriture blanche fibreuse sectorisée dans le tronc d'un Fagus sylvatica jugé dangereux, dans un parc public. PIERRE AVERSENQ
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